Editorial : Les 15 de la Tech ivoirienne peuvent-elles faire de la Côte d’Ivoire le nouveau hub de l’économie numérique en Afrique ?

Le SASEN mobilise de nombreux acteurs de la tech
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Le SASEN, une initiative du CI20 pour la croissance de la tech en Afrique

En Côte d’Ivoire, le mois de juin 2023 fut riche en conférences et rencontres BtoB. Et pour cause. Alors que le premier semestre de l’année entrait dans sa trentaine finale, la capitale économique Ivoirienne a, encore une fois, hébergé son maintenant traditionnel rendez-vous des PPP – Partenariats Public Privé, l’incontournable AFRICA CEO FORUM. Une rencontre qui, comme à son accoutumée, s’est tenue au Sofitel hotel Ivoire de Cocody. Et ce, du 05 au 06 juin 2023.

A peine ce dernier fermait ses portes que, 02 jours plus tard, un autre évènement prenait place dans le 05 étoiles cocodilois. Ainsi, du 08 au 09 juin 2023, le SASEN – Sommet Africain des Startups et de l’Economie Numérique – mettait, justement, les startups africaines à l’affiche.

Pendant 48 heures, les acteurs et parties prenantes de l’écosystème technologique étaient réunis autour de panels et d’ateliers, en vue de favoriser les partenariats Sud/Sud et promouvoir les solutions des potentiels licornes d’Afrique francophone. Mais pas que ! En marge du sommet, le CI20 – Consortium Côte d’Ivoire Innovation 20, instigateur de l’initiative, a signé de nouveaux partenariats stratégiques. Des partenariats visant, en l’occurrence, à accompagner le développement des startups. Particulièrement en Côte d’Ivoire. Et dans la sous-région, de manière plus générale.

Il faut savoir que ce colloque intervient dans un contexte où les startups d’Afrique francophone souffrent d’un manque criard de financement. Une information confortée par Amadou Coulibaly, lors de son discours inaugural. En effet, le ministre ivoirien de la Communication et de l’Économie numérique de Côte d’Ivoire l’a notifié. « Sur environ 259.802 milliards FCFA, l’Afrique ne lève que 1% du montant mobilisé par les startups. Soit 2.802 milliards FCFA (…) L’Afrique francophone n’a que 14% de ces 2.802 milliards FCFA. » Ce qui correspond, concrètement, pour les startups des pays avec pour langue nationale le verbe de Molière, à une enveloppe de 392 milliards FCFA obtenue.

C’est la raison pour laquelle certains s’activent pour multiplier les actions à cet effet, afin de réduire cet écart. Et c’est dans cette veine que le CI20 s’inscrit. En effet, ce collège de 15 jeunes entreprises Tech ivoiriennes, engagé dans un programme de création de 2.000 emplois en deux ans, grâce au digital, fait déjà ses preuves. Fort de 11 prix Nationaux d’Excellence et de 115 prix internationaux, il a réalisé, dès sa première année, un chiffre d’affaires cumulé de 11 milliards FCFA en 2022 pour 350 emplois créés ! Ce qui n’est pas rien étant donné les réalités du terrain.

C’est donc en pleine conscience de son rôle dans la création et la mise en œuvre du projet de loi pour les startups et de sa volonté pour la création et l’essor de l’économie numérique qu’il est à compter parmi les piliers du :

  • Startups Boost Capital
  • Startups 4 Gouv, etc.

Une volonté dont, d’ailleurs, le Sommet Africain des Startups et de l’Economie Numérique est une autre émanation. Effectivement, en déploiement depuis 2021, ce Business Forum a connu sa première édition en juin 2022. Un pari réussi, à l’époque, puisque ce premier coup d’essai a attiré plus de 500 décideurs de la Tech francophone, venus du monde entier. C’est même à sa faveur que le Startups Boost Capital a ouvert ses guichets. Un fonds, également initié par le CI20, pour lequel une dotation globale de 1 milliard de FCFA est allouée. Des prêts, pouvant aller jusqu’à 50 millions FCFA par projet, octroyés aux entreprises innovantes, à forte composante technologique.

Le SASEN réuni les startup et tous les acteurs de l'économie numérique africaine

En outre, le second intrant, né du partenariat avec Digital Africa, entre en jeu pour soutenir et financer les startups ivoiriennes. Et cela, par l’entremise du dispositif Fuzé. Avec des tickets de 13 millions FCFA, 19,6 millions FCFA et 32,7 millions FCFA, ce mécanisme d’investissement accompagne l’amorçage (de l’idéation au prototype) de startups déployant des solutions technologiques au service de l’économie réelle en Afrique.

S’exprimant sur l’engagement de son collège d’entrepreneurs, Steven Bedi l’a déclaré. « Notre mission est de permettre à la Côte d’Ivoire et, plus généralement, à l’Afrique francophone de revenir au centre de l’économie numérique. Pour ce faire, il est important de soutenir les startups. Et nous œuvrons ardemment en ce sens. Que ce soit de par notre travail sur le projet de loi sur les startups, par les signatures de partenariats pour leur financement. Ou encore par la création de plateformes business. » A indiqué le Président du CI20. Autre information de taille. Le groupement a aussi signé une convention de coopération avec la BOAD – Banque Ouest Africaine de Développement. Cette convention stratégique devrait conduire à :

  • La réalisation des projets et des programmes de développement et depromotion du secteur de l’économie numérique
  • La construction des véhicules financiers innovants au profit des startups et des entreprises technologiques des États-membres
  • L’accompagnement, institutionnel et technique, des programmes et opportunités créateurs de valeur, de revenus et d’emploi jeunes, proposés par les 15
  • La co-construction de clusters d’affaires, à fort impact social et environnemental.
Si l’heure n’est pas encore au faste pour les startups africaines, tout n’est pas, pour autant, complètement gris. Pour preuve. Selon le rapport PartechAfrica Tech Venture Capital 2022, en dépit d’un contexte macroéconomique loin d’être évident, l’écosystème tech du Continent a enregistré, comparé à l’année précédant ces conclusions, une progression de 8% des fonds levés auprès des investisseurs. Un signe que les feux sont encore au vert sur l’autoroute de la tech africaine, malgré une tendance mondiale frileuse à l’investissement, en prévision de l’inflation actuelle. Vu que dans les faits, cette année-là, 1.149 investisseurs uniques s’y sont engagés (29% de plus qu’en 2021). Et y ont établi la somme record de 3.800 milliards FCFA investie. Toutefois, des nuages noirs s’observent à l’horizon, car les inégalités systémiques entre pays d’Afrique demeurent. Nonobstant les 363 milliards FCFA levés par les startups africaines durant le mois de mai 2023 (+42% par rapport au même mois de 2022, selon des données publiées le 05/06/2023 par le cabinet de conseil en économie numérique TechCabal Insights) et les +379% moissonnés par les frais bourgeons, comparés à avril 2023, la répartition des fruits de ces collectes de fonds, par sous-régions, montre que les startups d’Afrique de l’Est (majoritairement anglophones) ont monopolisé 242 milliards FCFA (64,6%) du total des financements mobilisés. L’Afrique australe, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord en ont perçu, respectivement, 21,3%, 13,7% et 0,4%. Enfin, identiquement affectées, le long de ces six premiers mois de l’année, par le refroidissement international du marché du capital-risque, les startups africaines ont levé, grosso modo 555,2 milliards FCFA au premier semestre 2023. Un montant en baisse de 54% par rapport à la même période en 2022, d’après le rapport, diffusé le 11/07/2023, par le cabinet de recherche Magnitt. Le SASEN permettra-t-il à l’écosystème de la tech africaine de faire éclore des licornes issues du Continent ? Pour que cela arrive, les acteurs, comme ceux du CI20 doivent bouger les lignes.

KOFFI-KOUAKOU Laussin