Editorial : La nécessité de construire un paradigme innovant de gestion des infrastructures héritées de la CAN 2023 pour un legs durable

La CAN 2023 a connu un engouement sans précédent
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Ce récit relaté du parcours des Eléphants pourrait être comparé à l’organisation de la 34ème CAN. Effectivement, à l’origine, la terre d’éburnie devait initialement accueillir le tournoi en 2021. Cependant, en 2018, la Confédération Africaine de Football (CAF) a finalement réattribué l’organisation de cette édition au Cameroun. Par la suite, en raison des conditions météorologiques, l’été correspondant climatiquement à la saison des pluies dans les pays tropicaux, les instances Ivoiriennes avaient plaidé pour que la phase finale de la CAN se déroule plutôt par temps sec, du 13 janvier 2024 au 11 février 2024.

Une requête acceptée par la Confédération qui a donné plus de temps au pays pour se préparer à héberger la grande fête Africaine du football. Et ce fut d’ailleurs pour le mieux, sachant que la Côte d’Ivoire s’était un imposée : Celui de réaliser la plus belle CAN jamais organisée. En définitive, bien leur en a pris. Non seulement les Eléphants ont remporté leur première CAN chez eux, mais de plus, de l’avis de tous et de toutes, la CAN Akwaba est effectivement la meilleure, à date, jamais accomplie dans toute l’histoire de la coupe, tant en termes de la qualité du niveau de jeu que de l’accueil et des infrastructures.

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Justement, en parlant d’infrastructures, l’Etat Ivoirien a investi, selon les données publiques disponibles pour l’instant, plus de 1.000 milliards FCFA, afin d’accueillir au mieux et sur tous les plans cette CAN. Cependant, maintenant que les lampions se sont éteints sur ce moment plein d’émotions, il faut penser l’après-CAN et mettre en place des modèles de gestion des infrastructures héritées du tournoi, afin que leur plus-value soit à la hauteur du rayonnement mondial que nous a apporté cette 34ème édition du nec plus ultra du football Africain.

Une réflexion que, chez Abidjan Economie, nous ne sommes pas les seuls à partager et à porter. Pour preuve. Durant la cérémonie de présentation du trophée tant convoité au Président de la République Alassane Ouattara, ce mardi 13 février 2024, Idriss Diallo, le Président de la Fédération Ivoirienne de Football a légitimement plaidé pour une valorisation des acquis de la CAN de l’Hospitalité, afin que les réalisations et édifices exécutés ne tombent pas en désuétude, mais sois plutôt des nouveaux vecteurs de croissance de l’économie sportive Ivoirienne et, par ricochet, de la Côte d’Ivoire.

Ne s’arrêtant pas à la simple énonciation d’un vœu pieux, il a même fait des recommandations concrètes. Des recommandations auxquelles le bâtisseur, Alassane Ouattara, n’est pas resté insensible !

« Dans le but de consolider les acquis de cette CAN, je demande à Monsieur le Premier Ministre de faire en sorte que l’entretien, la maintenance et l’exploitation optimale des infrastructures de grande qualité dont nous disposons désormais soient une priorité immédiate. » Tel est la directive que le Président de la République Ivoirienne a instruite à Robert Beugré Mambé dès le lendemain, lors du Conseil des Ministres de ce 14 février 2024.

Un mercredi qui a vu se coupler, cette année, le début du carême catholique et la fête de l’amour, la Saint Valentin, comme un clin d’oeil des bons dieux du hasard, aux pauvres mortels que nous sommes, nous signifiant, de la sorte, que seul l’humilité, le don de soi, l’union dans l’amour et la solidarité peuvent permettre de se surpasser et de déjouer le destin.

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Il faut dire qu’à l’instar de son équipe nationale tout le long de la CAN de l’Hospitalité, l’économie sportive Ivoirienne est, pour le plus grand malheur de son potentiel, sur des montagnes russes. Et ce, depuis des années ! Dans le champ des querelles Ivoiro-Ivoiriennes, le Ministère des Sports avait régulièrement boudé cette manifestation footballistique de haut niveau et s’était refusé à endosser ce fardeau. Pourtant, la Côte d’Ivoire est relativement bien outillée.

Depuis 1960, le pays comptait 19 stades de compétition, tous construits sous le règne du Père fondateur. Cela lui a même permis d’héberger la CAN 1984, dont les matches se sont déroulés sur les pelouses du stade Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan et du stade de Bouaké. C’est dire l’intéressant capital dont dispose cette jeune nation depuis ses premières heures. Un capital qui a été mal entretenu et/ou abandonné, surtout pendant les 10 ans de crise qu’a connu la nation, mettant en péril le développement des talents et de l’économie sportive Ivoirienne. Fort heureusement, ce laxisme masochiste ne nous a pas empêché(e)s d’avoir des générations dorées.  

Dans la liste des mauvaises décisions et de balles tirées dans le pied de l’Eléphant d’Afrique, certes par manque, il faut le lui concéder, de moyens suffisants et de ressources humaines qualifiées, l’Office Nationale des Sports (ONS) a, elle aussi, démontré son incapacité criarde à tenir le pari du renouveau du sport Ivoirien.

Une dynamique étiolée qui ne demande qu’à prendre des couleurs !

Heureusement, des ténèbres des troubles sociaux politiques, une lumière finit par jaillir ! En 2007, la FIF prend enfin ses responsabilités et réhabilite les stades Robert Champroux de Marcory et le Parc des Sports de Treichville, avec les fonds engrangés grâce à notre participation à la Coupe du monde 2006, organisée par l’Allemagne. En 2015, année du 2ème sacre des Eléphants, c’est encore la Fédération Ivoirienne de Football qui a financé l’éclairage des 02 stades sus-cités pour permettre la pratique du jeu la nuit. Elle a aussi, avec l’appui de 02 projets FIFA, construit les terrains synthétiques de Yopougon et d’Abobo.

Le félicia a accueilli d'importants matches de la CAN
La Côte d’Ivoira a mis les bouchés double pour que le 5ème pont d’Abidjan soit prêt avant la CAN

Si, sur le fleuve du temps, la faillite du Ministère des Sports dans la dynamique de construction, de réhabilitation et d’entretien des complexes sportifs est évidente, les choses ont nettement changé, nonobstant quelques couacs, dès l’obtention, par la Côte d’Ivoire, de l’organisation de la CAN pour la 2ème fois de son histoire. Ainsi, pour que le pays accueille la compétition dans les meilleures conditions et fasse bonne figure aux yeux du monde, depuis 2018, la construction et la réhabilitation d’infrastructures stratégiques, à savoir des ponts, des routes, des autoroutes… ont été accélérées, ainsi que les investissements du secteur Télécoms dans le déploiement de la fibre optique.

Il en va de même pour le passage à la Télévision Numérique Terrestre (TNT) et l’ouverture du paysage audiovisuel Ivoirien. Cerise sur le gâteau, en plus des 3 stades réhabilités aux normes internationales (ceux du Plateau, de Bouaké et de Yamoussoukro), 3 autres stades d’envergure internationale (à Ebimpé, San-Pedro et Korhogo) sont venus compléter le parc d’arènes sportives de la Côte d’Ivoire, avec leur Cité-CAN et leurs terrains d’entraînement. Avec ces 6 stades, les 5 plus grandes villes du pays ont donc pu profiter de l’exposition qu’offre la Coupe d’Afrique des Nations de football, l’attraction phare de la Confédération Africaine de Football (CAF).

La mise à niveau de la capacité touristique de la Côte d'Ivoire pour la CAN a été portée par la stratégie sublime Côte d'Ivoire
De nombreux hôtels ont subi des travaux de réfection pour récevoir les visteurs lors de la CAN 2023

En outre, la réalisation de tous ces travaux et de ces infrastructures a été substantiellement financée par le marché bancaire Ivoirien. Côté accueil, un coup d’accélérateur a été également mis sur le volet formation, hébergement, hôtellerie, culture et restauration dans le cadre de la stratégie Sublime Côte d’Ivoire. La stratégie nationale de promotion de la destination Ivoirienne, lancée en 2017 et freinée par la crise de la Covid-19, qui vise à faire, du pays, un hub touristique et à le classer dans le Top 5 des références Africaines en matière de tourisme.  

Si innover, créer, c’est bien, s’inspirer de ce qui a été fait ailleurs n’est pas un péché ! Au contraire, c’est un acte de foi en l’avenir et de piété qui pourrait, en la circonstance, ressusciter l’économie sportive Ivoirienne. Déjà, 06 mois avant l’ouverture de la CAN de l’Hospitalité, le COCAN avait initié une série de rencontres et d’échanges avec les acteurs du sport en Côte d’Ivoire et des experts Français, Marocains et Camerounais du domaine sur l’exploitation de l’héritage de la CAN. Ces travaux s’étaient conclus par des résolutions fortes arrêtées à l’issue des différentes réunions qui s’étaient tenues.

Les réflexions se poursuivent dans les antichambres et, selon nos informations, le Ministère Ivoirien des Sports les mène, également, de son côté. Parmi les pistes liminaires à l’étude, celles proposées par le président de la FIF. Concrètement, conformément aux souhaits formulés par Idriss Diallo, il s’agirait, premièrement, de diriger les efforts vers la création d’une entité spécialisée pour l’entretien et l’exploitation des infrastructures. Dans un deuxième temps, de transformer les Cité-CAN en Pôle de Développement Sportif Régional. Enfin, de mettre en place un fonds spécial pour le développement du football pour les jeunes. Mais si on allait au-delà de ce jet initial ?

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Aujourd’hui, le monde entier salue la qualité et le nombre d’infrastructures dont s’est dotée la locomotive de l’Afrique de l’Ouest pour sa CAN. Un exploit plus que louable qui nous met, désormais, sous le regard des Etats et habitants du globe terrestre. Dorénavant, et plus que jamais, la Côte d’Ivoire se repère et se distingue facilement sur la carte planétaire. Dorénavant, le monde entier nous observe ! Cela constitue une raison supplémentaire de ne pas nous reposer sur nos lauriers fraîchement acquis et de battre le fer pendant qu’il est encore tout chaud.

Pour ce faire, le Ministère des Sports, la FIF et les vestiges du COCAN doivent se réunir rapidement et travailler en synergie, afin d’adopter, ensemble, les fonts baptismaux et modalités de gestion de l’héritage de la CAN, puis les soumettre au gouvernement et en finir, une bonne fois pour toutes, avec cet ersatz d’administration patrimoniale calamiteux et les réactions d’orgueil, sur ce chapitre. Clôre définitivement les polémiques qui ne servent pas le sport.

Et ce, à l’instar des monuments vivants Ivoiriens du football, avec à leur tête Gadji Celi, Yaya Touré et Didier Drogba, qui ont joué un rôle indéniable dans le succès de cette CAN à l’Ivoirienne. Une part non négligeable qui amène, du reste, à tourner le regard vers d’autres disciplines sportives.

Explorer, expérimenter, développer une nouvelle approche

Koné Adama pour la Boxe, Dabonné Zoulehia au Judo, Cheick Cissé et Ruth Gbagbi pour le Taekwondo, Serge Doh, Lucienne Koffi N’Da Adjoua, Marie-Josée Ta Lou et Murielle Ahouré en Athlétisme… Sans oublier cette génération qui fait, actuellement, resplendir l’aura de notre basket-ball et j’en passe, la Côte d’Ivoire regorge d’une pléthore de champions et de championnes, actuels et à venir, capables d’être de véritables ambassadeurs de notre économie sportive et de contribuer à attirer des compétitions régionales, internationales et leur lot d’athlètes, de marques et d’investisseurs dans le pays.

Si les sponsors jouent déjà leur rôle, il serait très intéressant de pousser la gourmandise et de décupler leur engagement. Pourquoi pas par le biais de contrats de naming comme cela se fait pour les stades, en Occident, ou comme c’est le cas, plus près, avec la BK Arena, au Rwanda, qui plus que des infrastructures sportives, sont des lieux de vie, des bassins économiques pourvus de leur propre écosystème, nourris par les loisirs, le tourisme, la gastronomie, la culture, l’évènementiel et capable d’accueilir des salons, des festivals, des concerts, des foires, des forums, etc. de grande envergure et à grande échelle.

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« La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline » disait John Fitzgerald Kenedy ! En somme, la balle est dans notre camp. Nous avons les moyens de faire un réel retour sur investissement et de tirer une plus-value solide, durable et pérenne des infrastructures héritées de la CAN de l’Hospitalité, à condition que nous pensions autrement, sortions des sentiers battus, des zones de confort et mutualisions notre expertise pour faire du secteur sportif Ivoirien, un vrai instrument de la croissance économique de la Côte d’Ivoire, l’Eléphant de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine.

KOFFI-KOUAKOU Laussin, Analyste/Editorialiste

Rodrigue Cofye, Rédacteur en chef


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