Dossier : Les 3 points à retenir des prévisions 2024 du FMI pour l’AFSS

AFSS est l'acronyme d'Afrique Subsaharienne
91 / 100
1714494132282 1

Il faut savoir que le FMI produit, 02 fois par an, un rapport sur les perspectives économiques en AFSS qui concernent, dans cette zone spécifique, 45 pays. Et, selon la règle 3 appliquée cette année par l’institution de Bretton Woods, 9 points saillants ressortent de cette étude publiée au début du 2ème trimestre 2024.

3 bonnes nouvelles

Commençant la présentation par les bonnes nouvelles, Luc Eyraud a indiqué qu’ après 04 années mouvementées, dont 02 années de décélération de la croissance, les perspectives s’améliorent pour l’AFSS. En effet, les données analysées dans ce rapport annoncent une croissance de 3,8% pour la zone en 2024, contre 3,4 % en 2023, avec une accélération de la croissance anticipée pour près des deux tiers des pays de l’AFFS, portée par la reprise économique qui devrait se poursuivre les années à venir.

p1 Nouvelle image 53

Ainsi, en se référant aux projections du FMI, la croissance en AFFS devrait atteindre 4% en 2025. En outre, la diminution, pratiquement de moitié, de l’inflation dans la zone, la stabilisation des ratios de dette publique et le retour de plusieurs pays de l’AFSS sur les marchés internationaux obligataires cette année, suite à 02 ans d’interruption, sont des signes d’une croissance certe timide, mais avérée de la région. Néanmoins, des ombres planent sur ce tableau. La première, c’est celle sur l’Afrique du Sud qui continue de se battre avec des taux de croissance faibles, du fait notamment de la crise de l’énergie à laquelle elle est confrontée.

La deuxième, c’est l’inflation qui a franchi la barre des 25% au Ghana et au Nigéria. Toutefois, malgré l’augmentation des déséquilibres macroéconomiques en AFSS, il faut noter que l’inflation y est tout de même passer de 10% à 6%, grâce au resserement des politiques publiques, des taux directeurs des banques centrales et une réduction significative, en moyenne de 1,5% du Produit Intérieur Brut (PIB), des déficits publics entre 2022 et 2024. La baisse des taux d’intérêts sur les marchés internationaux ont également permis aux pays émérgents Africains de recommencer à émettre des Eurobonds par exemple, comme ce fut le cas de la Côte d’ivoire qui y a levé 1.583,966 milliards FCFA en début d’année.

3 gros défis

p2 Nouvelle image 54

Si la croissance pointe à l’horizon, tout n’est pas pour autant au beau fixe. En effet, la pénurie de financement, qui affecte les Etats de l’AFSS, n’a pas disparu. Effectivement, les seuils, en 2023, étaient plus bas qu’ils ne l’ont jamais été lors de la grande crise de 2009. En cause ? La cherté de l’argent qui les met face à des coûts d’emprunt élevés, mais aussi des remboursements imminents de dettes dont l’échéance arrive à grands pas.

Ajouter à cela d’autres causes structurelles et conjoncturelles comme « la malédiction des pays riches en ressources naturelles » et il apparait clairement, dans les pays de l’AFSS où le revenu par habitant croît nettement moins vite que dans dans les autres pays émergents ou en développement, que cette pénurie est bien partie pour perdurer. En définitive, l’on assiste, actuellement, à un tarissement du financement qui a, pour conséquence immédiate, des coûts d’emprunt plus élévés, pour le secteur public comme privé, particulièrment en AFSS.

De plus, les incertitudes politiques liées aux 11 coups d’Etat perpétrés en AFSS depuis 2010, les 18 élections cette année, le départ a priori irrémédiable de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) de la zone de libre échange commerciale Ouest Africaine (CEDEAO) et la montée de tensions sociales (qui freine les réformes) n’arrangent pas les choses.

Enfin, avec une année 2024 déjà considérée comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, à date, et une sécheresse inédite en Afrique Australe, les études estiment que le changement climatique a plongé 140 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire aigue. L’ensemble de ces facteurs conjugués conduisent le FMI à conclure que l’AFSS reste plus vulnérable aux chocs externes mondiaux, ainsi qu’aux risques d’aggravation de l’instabilité politique et de multiplication des catastrophes climatiques.

3 recommendations

p3 Nouvelle image 55

Concernant la politique budgétaire, le FMI reconnaît que la réduction du déficit public implique des coûts compromettants pour le développement. C’est la raison pour laquelle, l’une des solutions, qu’il préconise pour les pays de l’AFSS, est soit une augmentation des recettes fiscales ou une baisse des dépenses publiques. Pourquoi ?

Sur la question de la dette, spécifiquement, de nombreux pays de la région sont, selon les critères de l’institution, classés en surendettement ou en risque de surendettement. Pour remédier à la vulnérabilité de la dette, ils n’ont aujourd’hui d’autres choix que de travailler à trouver des accords avec leurs créanciers, ce qui, à la réalité, s’avère long, laborieux, difficile, mais nécessaire. Toutefois, cela étant dit, il n’empêche que les Etats de l’AFSS doivent, aux dires du FMI, augmenter leurs recettes en réduisant à l’essentielle les dépenses publiques et en privilégiant la qualité et l’efficience de la dette, s’ils veulent reconstituer leurs réserves, de l’ordre de seulement 03 mois en moyenne pour l’heure.

Au niveau de la politique monétaire, le recul de l’infation majoritairement observé en AFSS pousse le FMI a recommandé un assouplissement des conditions financières là où la tendance inflationniste est à la baisse et plutôt le contraire là où la courbe continue de grimper.

p4 Nouvelle image 56

Quant aux réformes structurelles, le FMI encourage la diversification des outils de croissance et des modes de financements, au profit de financement moins couteux et plus stables, en mobilisant, par exemple, l’Investissement Direct Etranger (IDE) dont la part de volume reçue par l’AFSS n’est que de 3% des IDE mondiaux. L’institution invite aussi au développement des marchés financiers internes, à l’interopérabilité des échanges entre les différents marchés du Continent, à la mise en place de cadres institutionnels, à la promotion de la concurrence bancaire et à l’amélioration des infrastructures financières.

Depuis 2020, le FMI a accordé 36.553 milliards FCFA, dont 14.012 milliards FCFA de Droits de Tirage Spéciaux (DTS), au pays de l’AFSS. A l’heure actuelle, près de la moitié des pays de la région bénéficie de l’un de ses programmes et 09 d’entre eux bénéficient de sa Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD).

Le commentaire de Dr Edoh Kossi Amenounve

1714494132435 1
Ce mardi 30 avril 2024, dans les locaux principaux de la place boursière de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), Dr Edoh Kossi Amenounve, le Directeur Général de la BRVM a, avant cette conférence en format phygital, déclaré que ces rapports semestriels du FMI permettent aux acteurs, de l’économie et de la finance, non seulement d’appréhender les évolutions de l’économie mondiale et Africaine, mais aussi de se projeter en tenant compte des risques, en se basant sur les prévisions qu’offrent ces rapports. A la fin de l’exposé, il a commenté le rapport en ces termes : « Vous avez soulevé des problèmes de fonds qui nécessitent des discussions plus approfondies. Par exemple, la soutenabilité de la dette (…) Si l’on doit mobiliser 12% pour le service de la dette, cela est lourd ! Il nous faut trouver de nouvelles solutions, de nouvelles approches et écrire un nouveau paradigme. Une meilleure utilisation des ressources publiques, la diversification de l’économie, l’industrialisation, la fiscalité, les politiques publiques… sont effectivement des leviers. Cependant, ils ne pourront être véritablement porteurs que si l’on ne remplace pas, à chaque fois, la dette par la dette ! Nous devons sortir de ce cercle, sans quoi le service de la dette pèsera toujours sur nos épaules (…) Sur les remèdes, concernant la question de la mobilisation des recettes publiques, il nous faut améliorer la gouvernance des entreprises, publiques et privées, afin de permettre à l’Etat de se retirer de certains secteurs, pour booster les recettes fiscales (…) Sur la politique monétaire, il faut une meilleure coordination, afin que la lutte contre l’inflation ne soit pas, en définitive, une entrave aux financements et au développement (…) L’intégration régionale, l’amélioration du climat d’affaires, le renforcement des espaces économiques ne nous profiteront que s’ils s’appuient sur l’amélioration du commerce intra-Africain, la facilitation des paiements intra-Africains et le développement d’un marché bancaire et financier fort sur le Continent (…) Accompagnés de la transparence dans les comptes publics, dans la publication des données publiques et de la promotion des atouts et richesses de l’AFSS (…) Contribueraient à attirer les investisseurs. Pour les marchés de capitaux, il faut que nous et le FMI parlions davantage, pour créer des cadres réglementaires attractifs, pour développer l’épargne particulière et surtout l’épargne institutionnelle (…) Comment attirer les investisseurs (locaux comme étrangers) pour qu’ils viennent investir directement dans les sociétés côtées sur nos bourses ? Dans les 02 à 03 prochaines années, la dette de l’AFSS atteindra un tel niveau qu’elle sera difficilement soutenable. Pourquoi ne pas institué des réformes fortes, pour doper les marchés de capitaux locaux, afin que ces derniers soient des soupapes de respiration pour nos Etats ? »

KOFFI-KOUAKOU Laussin

à lire aussi :