Comment le partage des données peut favoriser l’inclusion financière en Afrique ?

Les produits financiers peuvent être mieux conçus, grâce au partage des données
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Les institutions financières ont traditionnellement utilisé les historiques de crédit conventionnels et les garanties pour évaluer les profils de risque des clients, dans leurs études d’offres et/ou d’octroie de produits tout comme de services financiers, excluant souvent, dans le processus, ceux sans profils formels. Cependant, le partage de données alternatives offre une compréhension plus nuancée.

En analysant les données des transactions de monnaie mobile, des paiements de services publics, voire des achats de crédit téléphonique, les institutions peuvent désormais mieux évaluer le risque, ainsi que la solvabilité et permettre aux individus précédemment exclus du système d’accéder à des produits et services financiers.

L’accès au crédit est crucial. Notre étude Consumer Pulse du 2ème trimestre 2024, menée au Botswana, au Kenya, en Namibie, au Rwanda et en Zambie, a montré que la grande majorité des consommateurs juge essentiel d’avoir accès à des produits de crédit et de prêt pour atteindre leurs objectifs financiers. Toutefois, moins de 40% des répondants considéraient avoir un accès suffisant au crédit, sauf au Botswana (45%).

Le Botswana a fait des progrès significatifs pour améliorer l’accès des consommateurs au financement et au crédit au 2ème trimestre 2024. Des avancés notables matérialisées par une augmentation de 10 points de pourcentage par rapport à l’année précédente. Malgré ces améliorations, le nombre croissant de répondants du Botswana (55%, contre 46% l’année dernière) affirmant que l’intégration d’informations alternatives habituellement absentes des rapports de crédit standard – comme les paiements de loyer et les adhésions à des salles de sport – améliorerait leurs scores de crédit et, de facto, leur accès aux produits et services financiers, est un indice révélateur de l’état des lieux.

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Ces chiffres se retrouvent également dans les autres régions : 60% au Kenya, 49% au Rwanda et 50% en Zambie, par exemple. Cela indique un changement de perception des consommateurs vers une approche plus robuste de l’évaluation du crédit.

À quoi cela ressemble-t-il dans la pratique ? Imaginez un petit propriétaire d’entreprise dans une zone rurale de l’un de ces pays, qui paie régulièrement sa facture d’électricité via la monnaie mobile. Le partage de données peut révéler ce comportement financier positif et lui permettre de bénéficier de produits financiers, tels qu’un prêt, pour agrandir son entreprise. Cette inclusion financière alimenterait, à son tour, la croissance économique et la réduction de la pauvreté.

Et ce n’est là qu’un exemple… Le partage de données peut ouvrir un monde de possibilités au-delà de l’accès aux services et produits financiers de base. Imaginez des produits de micro-assurance sur mesure, adaptés à des besoins spécifiques, des initiatives ciblées de lisibilité financière, voire des opportunités d’investissement personnalisées. Le tout, bien entendu, basé sur des perceptions tirées de données alternatives.

Le partage de données peut contribuer à l’élaboration de produits financiers prenant en compte des profils plus large

Bien sûr, il y a toujours des préoccupations, concernant la vie privée et la sécurité des données, qui doivent être respectées pour que le partage de données réussisse. Cela signifie que les pays ont besoin de cadres réglementaires solides garantissant le consentement de l’utilisateur et la protection de la vie privée. De plus, la confiance doit être établie, grâce à une communication transparente et à l’éducation, ce qui permettra aux utilisateurs de comprendre en quoi les données leur sont bénéfiques.

Tout comme l’inclusion financière nécessite un effort collaboratif, la collaboration est donc également la base d’un partage efficace et efficient des données. Les entreprises privées, les gouvernements et les agences de développement doivent travailler ensemble pour créer un écosystème sécurisé de partage de données. Cela pourrait impliquer la création de formats de données standardisés et d’API pour faciliter un échange d’informations fluide et sécurisé qui protège la vie privée des clients, tout en ouvrant de nouvelles voies financières pour eux et l’accès à des produits et services financiers autant adaptés à leurs différentes situations individuelles qu’innovants.

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Au-delà de la collaboration, pour exploiter pleinement l’inclusion financière pour la réduction de la pauvreté et la croissance économique dans les pays en développement, nous aurons besoin d’une approche multifacette, comprenant des politiques gouvernementales, des initiatives du secteur privé et une implication communautaire.

L’implication communautaire est particulièrement déterminante, car la confiance et l’illettrisme numérique sont des obstacles importants à la promotion du partage de données pour l’inclusion financière en Afrique. Pour beaucoup, le système financier semble complexe et inaccessible, et un manque de transparence autour de la collecte et de l’utilisation des données peut donner l’impression aux gens qu’ils perdent le contrôle de leurs informations personnelles.

De plus, ceux qui ne sont pas familiers avec les technologies numériques pourraient avoir du mal à comprendre le concept de partage de données ou ses avantages potentiels. Ils pourraient également avoir du mal à comprendre le jargon technique utilisé pour expliquer le processus.

Les institutions financières et les gouvernements doivent donc être clairs et transparents sur les pratiques de collecte de données. La publication de politiques claires sur la vie privée des données et la possibilité pour les utilisateurs de contrôler leurs informations peuvent contribuer à renforcer la confiance.

La publication d’une littérature financière abondante, pour expliquer le partage de données de manière simple et mettre en avant ses avantages, est aussi capitale. Il en est de même pour les campagnes de sensibilisation qui peuvent dissiper les mythes et renforcer la confiance dans le système. Enfin, des figures publiques de confiance, telles que les leaders communautaires, peuvent jouer un rôle vital en expliquant les avantages du partage de données et en abordant les préoccupations.

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Le partage de données n’est pas une solution miracle, et bien sûr, il y a des défis à surmonter comme les écarts en matière d’infrastrucures et de connaissance numérique, ainsi que dans la garantie d’une gouvernance des données responsable. Cependant, en adoptant cet outil puissant, les institutions financières – et les clients qu’elles servent – peuvent ouvrir la voie vers un avenir où l’inclusion financière permet à tous les Africains de participer à l’essor économique du Continent, en profitant de produits et services faits pour eux et par eux.

KOFFI-KOUAKOU Laussin avec AMA

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