Une lutte qui concerne tout le monde !
Le rapport « Transational Crime and the Developing World » de la fondation Global Financial Integrity (GFI) publié en mars 2017 estimait, cette année-là, qu’avec une valeur annuelle de 547.800 milliards FCFA, la contrefaçon était l’activité criminelle la plus lucrative, suivie du trafic de stupéfiants (252.831 milliards FCFA), du trafic d’êtres humains (82.144 milliards FCFA) et de l’exploitation forestière illégale ( 30.900 milliards FCFA). Concernant le trafic d’armes légères et de petit calibre, le rapport chiffrait son revenu annuel à 1.009 milliards FCFA en moyenne par an, quand il évaluait le trafic d’organes à 498,5 milliards FCFA générés criminellement chaque année.
Fort heureusement, depuis 2017, le cadre juridique de la Côte d’Ivoire en matière de lutte contre la criminalité économique et financière est en pleine évolution. Cependant, malgré les efforts entrepris par le pays, l’audit du Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) auquel il s’est soumis l’année dernière, en 2023, a révélé d’importantes lacunes dans son dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT).
En réponse aux résultats de cet examen, l’OILCEF a organisé, dans la matinée du 05 octobre 2024, une conférence, structurée en 2 panels, pour informer et sensibiliser les parties prenantes sur l’état actuel et les obligations en matière de lutte contre la criminalité économique et financière, discuter des stratégies et des mesures nécessaires pour améliorer le dispositif national, évaluer les risques et les conséquences de la mise éventuelle de la Côte d’Ivoire sur la liste grise. La rencontre visait aussi à favoriser les échanges entre les experts et les professionnels de la lutte contre la criminalité économique et financière, ainsi que le partage de bonnes pratiques autour de cet enjeu crucial.
Rien qu’en infractions fiscales, le montant est estimé à 500 milliards FCFA, pour l’année 2023, selon nos données provisoires… Makoueni Delphine Cissé, Directrice des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale de la CENTIF
Ouverte par Bokolo Ouraga, le President de l’OILCEF, la matinée a débuté par un premier panel, sur l’Organisation de la Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme, modéré par Désirée Pamah, Experte en Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme et animé par :
- Nina Fadiga – Directrice du Contrôle Interne, Spécialiste en Compliance (sécurité financière), du Centre d’Expertise en Conformité Orange Money
- Makoueni Delphine Cissé – Magistrat Hors Hiérarchie, Directrice des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF)
- Richard Angbonon – Magistrat, Procureur près du Pôle Pénal Economique et Financier
Expliquant le mécanisme de sensibilisation, de suivi et de répression existant dans le dispositif légal, Makoueni Delphine Cissé a indiqué, durant son intervention, que les institutions, les secteurs privé et public, les personnes morales et physiques, etc. sont tous concernés par la lutte contre la criminalité économique et financière. « En Côte d’Ivoire, les textes, en matière de criminalité financière, se prennent au niveau communautaire (UEMOA), puis sont internalisés dans le droit national. Cependant, les acteurs concernés, notamment les assujettis, doivent s’inscrire dans un processus quotidien de Coordination, de Collaboration et de Coopération (CCC), pour que ces textes soient efficients (…)
La CENTIF traite les déclarations des assujettis. Elle mène également des activités de sensibilisation et de formation des déclarants. Notre particularité, c’est qu’une fois nos rapports émis, ils sont directement adressés aux autorités compétentes, afin qu’elles puissent se saisir du dossier. Toutefois, les autorités restent compétentes pour recevoir les rapports de tout enquêteur habilité (police économique, douane, etc.) Dans ces cas d’espèce, la CENTIF peut être invitée à intervenir, en aide, pour apporter son expertise sur les dossiers (…) A date, nos estimations provisoires, pour l’exercice 2023, établissent le coût des infractions fiscales à environ 500 milliards FCFA. » A-t-elle dévoilé.
Les nouvelles Technologies peuvent aider à lutter plus efficacement contre la criminalité économique et financière ! Nina Fadiga, Directrice du Contrôle Interne chez Orange Money
Nina Fadiga, de son côté, a fait savoir que les principaux assujettis sont les sociétés financières, les assurances, mais aussi les sociétés non financières. Toutefois, elle a souligné que, dans les domaines non financiers, le besoin en sensibilisation et en accompagnement est grand ! « Pour les opérations complexes, les dipositifs sont bien huilés. Cependant, un grand nombre des opérations impliquées dans la criminalité économique et financière, en particulier dans le blanchiment d’argent, sont des opérations simples, concernant des montants faibles qui passent en dessous des radars. Aujourd’hui, des technologies telles que le Machine Learning et l’Intelligence Artificielle (IA) sont des outils de détection qui peuvent grandement contribuer à détecter ce type d’opération. » A-t-elle relevé.
Jusqu’à 7 ans de prison et des amendes qui atteignent bien souvent des milliards ! Richard Angbonon, Procureur près du Pôle Pénal Economique et Financier
Richard Angbonon l’a déclaré : « Le pôle pénal économique et financier est la réponse Ivoirienne, d’un point de vue judiciaire, à la criminalité économique et financière. Cette juridiction du 1er degré a une compétence nationale. Elle intervient quand les montant excèdent les 100 millions FCFA, impliquent plusieurs acteurs et ont des connections transfrontalières. Nous travaillons avec toutes les entités capables de nous aider dans l’accomplissement de nos missions (…)
Poursuivre la criminalité économique et financière demandent des ressources, en termes de finances, de formation, de coopération internationale, etc. Les procédures portant sur des affaires de blanchiment de capitaux peuvent conduire à la saisie, voire à la confiscation des avoirs criminels, afin de priver l’auteur de la raison qui motive son ingéniosité, et être assorties de peines pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement, ainsi que d’amendes qui atteignent souvent les milliards FCFA. » A-t-il notifié.
Nos recommandations ont force de loi ! Regina Bande Tiensbande, Manager du Centre d’Information d’Abidjan du GIABA
Le second panel de cette matinée avait attrait à l’Évaluation de la Conformité et des Perspectives sous les Normes Internationales. Modéré par Mariame Krauer-Diaby, également Experte en Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme, il avait pour panéliste :
- Regina Bande Tiensbande – Manager du Centre d’Information d’Abidjan du Groupe d’Action Intergouvernemental contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA)
- Romain Ouattara – Représentant du Comité de coordination LBC/FT
- Kodjo Attiso – Regional Adviser Anti-Money Laundering, Counter Financing of Terrorism and Anti-Corruption à l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC)
Dans sa prise de parole, Regina Bande Tiensbande a donné des éclaircissements sur le rôle et les missions du GIABA : « Emanation des 15 pays membres de la CEDEAO, des Comores, ainsi que de Sao Tomé et Principe, nous accompagnons principalement ces 17 Etats, non seulement dans la définition de leurs politiques anti criminalité économique et financière, mais également dans la mise en oeuvre des orientations du Groupe d’Action Financière (GAFI). Nos recommandations, comme celle de la GAFI, ont force de loi et nos processus d’évaluation réciproque, d’une durée de 16 à 18 mois en moyenne, s’exécutent dans un cadre interactif. »
En conclusion de cette demi-journée de conférence, les organisateurs et leurs conférenciers ont partagé, à l’audience présente, des outils de lutte contre la criminalité économique et financière et fait connaître les avancées de la Côte d’Ivoire en la matière. Ils ont aussi exhorté le public à s’informer, se former et s’engager à l’enjeu crucial qu’est la lutte contre la criminalité économique et financière.
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