Les CEO’s de CC et de NDA s’expriment sur le sujet
Après avoir couvert la 13ème édition des ATDA pendant 72 heures, au Plateau, à Port-Bouët et à Cocody, notre marathon de 3 jours se termine finalement à Cocody, à 2 pas de l’Immeuble CGK, précisément dans le flambant neuf Lumina Suites, qui borde depuis peu la voie Djibi de Angré, où nous rencontrons les signataires de cette convention, pour la construction d’un Cloud souverain et l’accélération de la Recherche et le Développement (R&D) dans le secteur numérique en Afrique, entérinée la veille au Radisson Blu Hotel de Port-Bouët, non loin de l’Aéroport international Félix Houphpuët Boigny.
Là, au 1er étage, l’ambiance chez NDA est jeune, décontractée, dynamique et studieuse, à l’instar de l’image que l’on se fait des journées de travail dans une startup ou une entreprises Tech. Accueillis par Quentin Adam, Ange Kacou Diagou et quelques uns de leurs proches collaborateurs, nos hôtes du jour nous en disent plus sur le pourquoi du rapprochement de leurs structures.
Un marché dominé par les Etats-Unis
La bienvenue souhaitée, comme le veut l’usage, Quentin Adam entre dans le vif du sujet. Contextualisant les raisons qui ont poussé CC et NDA à devenir partenaires, il rappelle tout d’abord que malgré la formidable croissance du marché mondial du digital, ces dernières années, le numérique demeure perçu, par la plupart des personnes, comme quelque chose de virtuel, loin du réel. Pourtant, ce marché est valorisé, aujourd’hui, à 11.841.282 milliards FCFA.
« Dans ces 19.000 milliards USD, 80% de cette valeur sont captés par les Etats-Unis, 5% par Taïwan grâce à son positionnement dans le commerce des chips – circuits intégrés, communément appelés puces, qui jouent un rôle crucial dans les progrès des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) – qui en ce moment sont quand même à 25.000 Euros la pièce. L’Europe entière ne collecte qu’entre 4,4% et 4,6% de la plus value générée par le marché du numérique ! » Explique le CEO de CC. Ainsi, selon les données délivrées par Quentin Adam, à l’heure actuelle, le reste du monde n’aspire qu’à peine 10% de la valeur de ce marché largement dominé par les Etats-Unis et cela a des conséquences ! Fait-il savoir.
« Cela a des conséquences parce que les Etats-Unis ont des lois, que l’on appelle lois extraterritoriales, qui leur permettent de décider, quand ils le veulent, que leurs lois priment sur celles des autres pays. En clair, ces lois leur donnent le droit d’accéder aux données de n’importe quel fournisseur, qu’il soit Américain (Etats-Unien) ou pas, pour des raisons de sécurité, d’intelligence économique, de prévention des risques de maladies, de prévention écologique, etc.
En résumé, pratiquement pour tout et n’importe quoi, selon que l’objet de la requête est un lien avec des transactions en dollars, des échanges d’e-mails ou l’hébergement de données sur des serveurs basés aux États-Unis, la présence d’une filiale dans ce pays, y être coté sur un marché financier, etc. Bref, le champ est donc très large et ouvre la porte à des ingérences du pays de l’Oncle Sam dans des affaires gouvernementales, dans la vie privée des individus, dans l’économie, etc. » Alerte-t-il !
Ingérences et abus de position dominante pointés du doigt ?
Au titre des exemples les plus marquants de cette dernière décennie, dans le cadre de ces lois extraterritoriales, en 2015, BNP Paribas a versé une amende record de 5.547 milliards FCFA pour avoir contourné des sanctions Américaines imposées à l’encontre de Cuba, de l’Iran et du Soudan, entre 2004 et 2012.
L’on se souvient aussi du cas de l’ancien cadre dirigeant d’Alstom, Frédéric Pierucci arrêté sur le sol Américain en 2013 où il y a passé 25 mois en prison au total. Selon l’ex numéro 3 de la firme, cette procédure, enclenchée contre le groupe pour corruption d’agents publics (en Arabie Saoudite, en Indonésie, en Égypte, à Taïwan et aux Bahamas), a poussé Alstom à vendre, en 2015, sa branche énergie à son plus gros concurrent, le groupe Américain General Electric (GE), en plus de payer 481 milliards FCFA d’amende !
Réagissant à l’affaire Scott Morton dans une interview accordée au Figaro, Frédéric Pierucci estimait même que « les entreprises Européennes ont payé, entre 2010 et 2021, pas moins de 31.200 milliards FCFA d’amende (dont environ 15 pour les sociétés Françaises) au Trésor Américain pour clore des enquêtes du Département Américain de la Justice (DOJ) ! »
Poursuivant ses éclaircissements, Quentin Adam ajoute : « A l’heure actuelle, ils sont capables d’avoir toutes les données de santé de tout le monde pour les vendre aux assurances et aux banques. Et quand les gens viennent demander des prêts, on leur dit oui, mais votre arrière-grande tante avait le cholestérol, votre père est diabétique, vous avez des cardiaques dans votre famille, donc, au vu des antécédents médicaux de votre famille, cela vous coûtera plus cher ! Le pillage de données joue, pour beaucoup, sur les décisions stratégiques des gouvernements et à un impact réel sur les populations (…) »
Retrouver sa souveraineté numérique pour ne plus subir
Pour le CEO de CC, la tertiarisation des économies, découlant de la 1ère révolution industrielle, a conduit une financiarisation des outils de production et fait passer, l’économie mondiale, d’une économie de flux à une économie d’assets (d’actifs).
« On a beaucoup tertiarisé des économies en disant : Aujourd’hui on va vendre du cerveau ! En fait, ce qui s’est passé au 19ème siècle en Europe, c’est qu’on a inventé le moteur et avec le moteur, on a remplacé globalement des muscles humains. À ce moment là, on est passé d’une économie de flux à l’économie d’assets. C’est-à-dire à des outils de production qui permettent de démultiplier la valeur d’un travail humain et de générer, eux-mêmes, de la valeur, donc de l’argent, ce qui permet la financiarisation des outils de production (…)
Aujourd’hui, il est important que les pays créent leur souveraineté numérique. D’où l’idée de cette alliance entre CC et NDA pour rendre nos développeurs et informaticiens (Français, Européens, Ivoiriens, Africains) plus efficaces, afin d’éviter que leurs nations ne se fassent piller leur données et qu’ils puissent contribuer, ainsi, à la croissance de leurs pays. » Confie-t-il.
Dans la même veine, Ange Kacou Diagou apporte des informations complémentaires sur les enjeux de ce partenariat entre CC et NDA. « Dans les années 1850, les premiers câbles sous-marins, notamment le premier câble transatlantique reliant le Canada à l’Irlande, sont posés. Aujourd’hui, il y a à peu près 4 millions Km2 de câbles qui font l’Internet. Ils quittent les Etats-Unis et desservent l’Europe en premier, puis les autres continents du globe. C’est ça qui fait le digital, et non les applications !
Cependant, l’Afrique, bien que desservie, est le Continent qui est le moins connecté, en termes de nombre de câbles sous-marins. De plus, aujourd’hui, la majorité de ces câbles (70%) sont détenus par Facebook (Meta), Google (Alphabet), Amazon et Microsoft (toutes des entreprises Tech Américaines dans le Top 10 des sociétés les plus valorisées au monde). En conséquence et en définitive, le propriétaire du transport des données peut devenir propriétaire du stockage de données. Donc vos photos, les messages que vous envoyez ne vous appartiennent pas, ou du moins pleinement, en quelque sorte.
En 10 ans, les entreprises du digitales sont devenus les plus fortes, les plus valorisées au monde, et cette tendance a été nettement accélérée par la Crise de la Covid-19 qui a fait entrer le monde dans une nouvelle ère du numérique, celle du monde hyper connecté, et accru la puissance des leaders de la Tech. D’ici 2050, plus de 25% de la population mondiale sera Africaine et plus de la moitié des individus du Continent aura moins de 25 ans, ce qui fera que les plus grosses données à capter seront sur le Continent où il y a les matières premières qui servent tout faire dans ce monde !
Or, aujourd’hui, on est coincé dans la toile d’araignée, le Web, ce qui n’est pas forcément positif pour nous – quand cela coûte plus cher de passer un appel Côte d’Ivoire/ Togo que Côte d’Ivoire/France parce que, par exemple, le transport des données de la communication se fait via un câble sous-marin qui de la Côte d’Ivoire passera d’abord par le portugal avant de revenir au Togo, alors qu’on est capable (techniquement, financièrement et à moindre coût), aujourd’hui, de tirer un câble qui relie les 2 pays en passant par le Ghana qui en bénéficiera également –
Sauf si nous gagnons, assez rapidement, notre souveraineté numérique ! La souveraineté numérique au service du développement de nos pays et du bien-être de leurs populations, c’est bel et bien l’ambition de ce partenariat. » Déclare le CEO de NDA.
Créer des hubs régionaux avec les talents locaux
En conclusion de cet entretien, les CEO’s de CC et de NDA ont insisté sur la nécessité pour les pays de récupérer leur souveraineté sur un marché dominé par les Etats-Unis. « Google enregistre, en moyenne, 26.000 milliards FCFA de bénéfice chaque année, pourtant ils ne vendent rien ! L’information personnelle est le nouveau pétrole du monde.
Avec l’industrialisation de la propriété intellectuelle, toutes les entreprises vont avoir une grande partie de leurs activités qui vont devenir IT et tous les métiers vont se digitaliser, avec l’Intelligence Artificielle (IA).
C’est hyper compliqué, aujourd’hui, pour une entreprise du digital en Côte d’Ivoire, vu que la matière première, c’est du Cloud et qu’elle se paye en euros ou en dollars, alors que cela serait plus facile de développer les infrastructures sur le Continent et y héberger ses données, si nous pouvions effectuer nos paiements en monnaies locales.
Dans un marché compliqué, parce que monopolisé par de très gros, nous pensons qu’il est important de mettre tout en oeuvre pour que nous puissions récupérer la souveraineté de nos décisions. Notre objectif est d’embaucher des gens ici et de créer des centres de recherche et développement (R&D) ici où la moyenne d’âge est de 19 ans, contre 48 ans aux États-Unis et 52 ans en Europe. » Ont-ils fait savoir.
Cela fait pratiquement une quinzaine d’années que CC et NDA font leur petit bonhomme de chemin dans l’univers très concurrentiel du déploiement de solutions, d’infrastructures et de services Tech. Au cours de l’entretien, Quentin Adam a révélé que son entreprise double son chiffre d’affaires chaque année et que cette croissance est réinvestie dans le développement de la compagnie. Quant à Ange kacou Diagou, il a insisté sur l’engagement de son Groupe à la souveraineté numérique du Continent : « On a été le premier à offrir ce service en Côte d’Ivoire. Nos installations sont certifiées ISO 2700 DSS et ISO 27001. Nous sommes essentiellement focus aujourd’hui sur le marché B2B. Nous avons notre propre réseaux de fibre optique, en Côte d’Ivoire, et on a commencé à déployer au Bénin, au Mali, etc. On compte démarrer au Burkina Faso en mai 2025. » Grâce à ce partenariat, CC et NDA voient leur rêve de construire des hubs technologiques régionaux se rapprocher, chaque jour, un peu plus.
à lire aussi :
Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de abidjaneconomie.net même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites.
En savoir plus sur ABIDJAN ECONOMIE
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.