La dette publique est au cœur des débats politiques à l’approche de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo, ancien président, a récemment relancé la polémique en qualifiant la situation économique du pays de « Digba dette », sous-entendant une gestion désastreuse des finances publiques par le régime actuel. Mais Moussa Sanogo, ministre du Budget, a profité d’un événement du 11 avril 2024, commémorant la démocratie en Côte d’Ivoire, pour offrir un éclairage technique et pédagogique sur la gestion de la dette nationale. Voici l’essentiel de son intervention, qui avait pour but de clarifier la situation et faire taire les spéculations.
Comparer la dette au revenu : une notion clé
Moussa Sanogo a commencé par un exemple simple, mais frappant, pour expliquer l’erreur commune consistant à juger la santé financière d’un pays uniquement sur le montant nominal de sa dette. En utilisant une métaphore : un jeune cadre sans dettes et un grand patron ayant contracté un emprunt de 50 millions de francs CFA pour construire une maison. Si ce dernier dispose de revenus élevés pour rembourser sa dette, il est dans une situation bien plus tenable que quelqu’un ayant un petit prêt, mais des moyens financiers limités.
Le ministre a souligné l’importance de rapporter la dette aux richesses produites. Sous le régime du président Alassane Ouattara, le PIB de la Côte d’Ivoire est passé de 13 000 milliards de francs CFA à 50 000 milliards aujourd’hui, et le budget de l’État s’est accru de manière similaire. Ces augmentations des ressources montrent que la dette du pays reste, selon lui, soutenable.
Les niveaux réels d’endettement
Sanogo a poursuivi en expliquant que les analyses des experts ne se limitent pas aux chiffres nominaux, mais prennent en compte la « valeur actuelle » de la dette. Ce concept inclut les intérêts à rembourser, ce qui donne une image plus réaliste de l’engagement financier. Par exemple, une dette de 50 millions remboursée à 8 % d’intérêt sur 5 ans coûtera plus cher à long terme que la même somme remboursée à 5 % sur 15 ans.
Les indicateurs de soutenabilité
Encore plus crucial, selon le ministre, est de mesurer si le pays a les moyens de rembourser. Les indicateurs comme le service de la dette rapporté aux recettes fiscales ou aux recettes d’exportation permettent de juger si un pays peut honorer ses engagements tout en continuant à fonctionner. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, les performances économiques récentes montrent que ces ratios restent favorables.
Sanogo a également insisté sur des tests de résistance en cas de crises imprévues, comme une chute brutale des prix des matières premières. Ces scénarios hypothétiques permettent de déterminer si l’État pourrait continuer à honorer ses dettes dans des conditions économiques défavorables. Pour la Côte d’Ivoire, les analyses concluent à un risque de surendettement modéré, ce qui reste tenable.
Une vision nuancée de l’endettement
Même dans l’hypothèse où le risque de surendettement deviendrait élevé, cela n’indiquerait pas nécessairement une crise imminente. Moussa Sanogo a comparé cette situation à une tension artérielle légèrement élevée : elle demande une attention particulière, mais n’est pas synonyme de catastrophe immédiate. Il s’agit alors d’ajuster les politiques publiques pour reprendre le contrôle.
Le piège des simplifications politiques
Le ministre a exprimé son regret que la question technique de la dette soit souvent utilisée à des fins politiques, ce qui conduit à des interprétations biaisées et alarmistes. « On ne peut pas tirer de conclusions sur la vie d’un État basé sur un seul chiffre sans analyser au moins cinq variables », a-t-il affirmé.
Aimé Kouassi
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