Optimiser la collaboration entre le secteur privé et les décideurs politiques
Baisse de productivité agricole, coûts croissants liés aux aléas météorologiques, climatiques et hydrologiques, dégradation des écosystèmes… Au lendemain du lundi de Pâques, ces questions étaient l’objet de discussions, réflexions et exposés dès l’ouverture de la 2e édition du CAP GREEN à laquelle nous sommes conviés et qui se déroule du 22 au 23 avril 2025 au Plateau, à Abidjan.
Ce mardi matin, c’est sous la chaleur d’un soleil irradiant que nous nous sommes rendus dans le quartier des affaires de la capitale économique Ivoirienne pour participer à la journée inaugurale de cette conférence sur le climat. A notre arrivée à ce colloque de 2 jours hébergé à la Maison des Entreprises – le siège de la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), le constat est clair : Politiques, chefs d’entreprises, acteurs de l’environnement et de l’écologie, financiers… Les challenges majeurs auxquels sont confrontés l’Afrique, rapidement exacerbés ces dernières décennies par le changement climatique, intéressent. Il faut des solutions et pour les trouver, il faut se rencontrer, parler et surtout réaliser des actions concrètes.
Le secteur privé pourvoit déjà à 14% des financements climatiques sur le Continent…
A date, sur le Continent, les entreprises à but lucratif ne contribue qu’à hauteur d’environ 14% aux financements climatiques. C’est donc dans ce cadre que le Ministère Ivoirien de l’Environnement, du Développement Durable et de la Transition Écologique a signé durant le CAP GREEN 2025, ce mardi, sur le coup de 10H00, un pacte de confiance pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), avec la (CGECI ), en vue d’augmenter la part du secteur privé dans la lutte pour le climat.
Il faut dire que cette collaboration répond à une logique. Elle s’inscrit dans les ambitieux engagements pris récemment par l’Etat ivoirien, dans le cadre de la réforme de sa contribution Nationale Déterminée (CND 3.0), pour largement dépasser le taux de 30,41% de réduction d’émissions de GES en Côte d’Ivoire, d’ici 2030, que le pays s’était fixé comme objectif auparavant.

Au-delà du renforcement du dialogue existant déjà entre l’Etat et le secteur privé en Côte d’Ivoire, l’intérêt de ce mémorandum d’entente, entre le gouvernement et le patronat ivoiriens, se situe principalement dans les actions conjointes qu’il prévoit pour conduire la transition écologique et énergétique du pays.
En effet, aux dires du Vice-Président de la CGECI, Eric Thiam-Sabates, cet accord vise l’amélioration de la gouvernance en matière de transition énergétique, ainsi que l’éducation des entreprises et des populations aux bonnes pratiques de lutte contre le changement climatique. « Il comprend aussi une aide aux entreprises pour leur permettre de mieux capter les différents fonds et financements verts. » Précise-t-il.
En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire fait partie des bons élèves !

« Certains États rencontrent des difficultés dans la mise en place de leurs politiques bas carbone. Cependant, la Côte d’Ivoire se distingue dans ce domaine. » Alors que la COP30 se tiendra en novembre 2025, à Belém, au Brésil, ces mots prononcés par Bernard Koffi, le chef de la division environnement et changement climatique de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ce mardi matin dans l’auditorium de la Maison de l’Entreprise, à l’ouverture du CAP GREEN 2025, incite à penser que la Côte d’Ivoire réaffirme, à travers cette coopération public-privé, sa volonté de contribuer activement à la transition bas carbone et à la lutte contre le réchauffement planétaire.
Une idée juste, puisque confortée, quelques minutes plus tard, par Jacques Assahoré Konan, le Ministre Ivoirien de l’Environnement, pour qui, de son point de vue, la signature de cette convention, avec la CGECI, constitue une étape importante ! « Le changement climatique n’est plus une menace lointaine, c’est un risque immédiat tangible et structurel. Les pertes économiques liées à ses impacts en Afrique se comptent en plusieurs points de PIB…

En Côte d’Ivoire, les données indiquent que le PIB pourrait reculer de 13%, si rien n’est fait pour lutter contre le changement climatique. Pour réagir, nous avons besoin d’une dynamique concertée et multisectorielle avec le secteur privé. C’est un pas important que nous avons franchi dans notre chemin collectif. Il marque notre envie de passer des mots aux actes…
Avec le secteur privé, le gouvernement a élaboré un portefeuille vert et un cadre favorable pour les entreprises engagées dans la décarbonisation et la lutte contre le changement climatique.Toutefois, nous devons en faire plus pour impliquer les micros, petites et moyennes entreprises (98% du tissu entrepreneurial Ivoirien) dans notre action. » Explique-t-il.
L’implication du secteur privé permet de financer les actions climatiques et obtenir des résultats concrets…
Matthieu Glachant, Professeur d’économie à l’Ecole des Mines de Paris, France, s’intéresse tout particulièrement à l’aspect environnemental, énergétique et innovation verte dans sa discipline. D’après l’économiste académique de l’environnement et du climat, chaque tonne de carbone évitée profite à toute la planète !
« L’objectif de l’Accord de Paris sur le climat (COP15) est de contenir le réchauffement climatique, grâce à l’engagement de chaque pays et à travers la mise en application de CND par ces derniers. Néanmoins, depuis le retrait des Etats-Unis de plusieurs accords sur le climat, sous les administrations Bush et Trump, de fortes incertitudes planent sur la volonté des Etats à tenir leurs engagements et beaucoup semblent tenter de suivre l’exemple Américain…

Pourtant l’article 6 de la COP15, dans ses alinéas 2 et 4, autorisent, dans le cadre d’accords bilatéraux, la prise en compte des actions bas carbone d’un pays dans les CND d’un autre pays et les échanges de crédits carbones entre pays, entreprises ou individus…
La Chine a réussi à attirer des projets de compensation et des capitaux verts, grâce à une forte volonté politique qui a, notamment, permis la transformation de projets verts en projets bruns. En Inde, une étude que nous avons réalisée montre que plus de 52% des projets éoliens ont été financés sans crédits carbones, ni recours aux mécanismes de flexibilité (MDP) instaurés par le Protocole de Kyoto (PK)…
Sachant que l’Afrique est fortement exposée au changement climatique et que l’augmentation des pics de chaleur, causés par ce changement, est responsable de 1.000 décès supplémentaires chaque année, les partenariats public-privé, comme celui entre l’Etat de Côte d’Ivoire et la CGECI conclu au CAP GREEN 2025, jouent un rôle crucial dans la lutte pour le climat. » Estime-t-il.
Quand on sait qu’en 2023, à la 11e Conférence sur le Changement Climatique et le Développement de l’Afrique (CCDA11), lors d’une session sur le financement climatique, les hauts responsables de la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) faisaient savoir au monde entier que la mise en œuvre des CND Africaines nécessite près de 3.000 milliards USD, dont environ 2.500 milliards USD entre 2020 et 2030, l’analyse du Professeur Glachant met encore plus en exergue l’impératif pour les gouvernements Africains de collaborer avec le secteur privé pour réduire les émissions de GES et lutter ensemble pour le climat.
Ce type de coopération ouvre des opportunités pour les promoteurs des énergies renouvelables…

De l’avis de Paul Régis Bessala, membre de l’Association des Professionnels des Energies Renouvelables de Côte d’Ivoire (APERCI), cet accord, signé au CAP GREEN 2025 entre le gouvernement et le patronat Ivoiriens, est source de nouvelles opportunités pour son secteur.
« Il y a 6 ans, le renouvelable était quelque chose d’abstrait et loin de la pratique. L’ambition de la Côte d’Ivoire d’atteindre 45% d’énergies renouvelables dans son mix énergétique à permis d’accélérer la réglementation. En effet, depuis la loi de finance 2024, confortée par un décret interministériel pris pendant la période de la 1re édition du Salon International des Ressources Extractives et Énergétiques (SIREXE 2025), les équipements à énergies renouvelables sont totalement exonérés de droits de douane et de Taxes sur la Valeur Ajoutée (TVA) en Côte d’Ivoire…
Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, on inaugure une centrale solaire quasiment chaque 3 mois ! En tant qu’acteur du renouvelable, même s’il y a encore du travail à faire, nous voyons que ces initiatives et la convention signée entre l’Etat et le patronat ivoiriens sont porteurs de réelles opportunités. » Apprécie l’homme qui est également le Directeur Général de Baobab+ en Côte d’Ivoire.

Depuis les années 1960, sous l’effet, entre autres, du changement climatique, la productivité agricole sur le Continent a chuté de 34%. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC ou GIEC), ce déclin, plus marqué que dans les autres régions du globe, menace la sécurité alimentaire de millions de personnes. Dans un contexte international marqué par la baisse progressive de l’aide publique au développement et une compétition accrue pour l’accès à ces financements, les évènements climatiques coûtent plus de 6.000 milliards FCFA en moyenne par an à l’Afrique. Dans l’un de ses rapports publiés en 2024, la Banque Africaine de Développement (BAD) alerte que ce chiffre pourrait grimper de 360% d’ici 2030.
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